Une 21/02/2018

Une femme est morte dans la rue à Paris.

 

https://static.blog4ever.com/2012/01/636480/o.gifn s'habituerait presque à ces titres. Une femme est morte dans la rue à Paris. Onzième personne depuis le premier janvier, macabre décompte. Morte dans le froid et la solitude, "à côté de ses effets personnels" précise le journaliste... Toute une vie dans un sac, toute une vie résumée à quelques guenilles, la misère comme compagne.

Elle est morte dans une rue d'une des villes les plus riches du monde, après y avoir croisé le dédain, le mépris, le rejet, l'indifférence.

Une femme est morte dans le froid et la nuit, seule, marionnette tragique dont les fils un à un se sont rompus jusqu'au dernier. Sans nom, sans prénom, juste quelques mots dans une dépêche, la seule personne qui se sera penchée sur elle l'aura déclarée morte. Elle a donc quitté ce monde dans lequel elle n'a jamais vraiment existé, dans lequel elle n'aura été qu'une ombre furtive, s'excusant presque de déranger, sans passé, sans futur, vide d'espoir, morte avant l'heure. Elle a vécu au bord de notre quotidien, quelques pièces dans sa sébile. Vivante elle n'était personne, morte elle n'est plus rien. Elle ne laissera aucun vide, aucun regret, aucun désespoir, aucune tristesse, aucun héritage. N'aurait-elle jamais vécu que le monde n'en eût point été changé. Mais elle symbolise à mes yeux le grand vide dans lequel nous nous mouvons, faussement rassurés par un peu de confort, apeurés par la possibilité de la chute. Le pauvre, le misérable nous effraient en ce qu'ils symbolisent une possible déchéance. Ils nous effraient car ils nous disent "toi aussi, demain, tu peux être là".

Alors, nous détournons le regard, nous replions nos bras, nous fermons les mains, les yeux, le cœur, nous passons notre chemin en veillant bien à ne pas trébucher.

Une femme, sans-abri, est morte la nuit dernière. C'est à Paris, c'est en 2018. Douloureuse conclusion d'une si petite vie, preuve que jamais on ne lui a donné une place, une chance, preuve que la fraternité a déserté ce monde, preuve que toute humanité a disparu, preuve que nous sommes nous aussi définitivement condamnés.

 



22/02/2018
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