Artisan-restaurateur: pour que chacun abatte ses cartes


Pascale Got

Pascale Got

Député (PS) de Gironde

 

https://static.blog4ever.com/2012/01/636480/d_6657438.gifepuis plusieurs années déjà, de nombreux établissements ont pris l'habitude de ne plus cuisiner au pays de la gastronomie. Certains restaurateurs n'hésitent plus en effet à utiliser les produits de l'industrie agroalimentaire, délaissant ainsi la cuisine des couteaux pour se tourner vers la cuisine des ciseaux.

Certes, ce constat n'englobe pas l'ensemble de la profession. La majorité des restaurateurs n'a pas abandonné son savoir-faire et continue de servir à ses clients des plats de qualité. Pour une grande partie d'entre eux, cuisiner, travailler les produits, les transformer, constitue toujours le sens même de leur métier.

Pour d'autres en revanche, la restauration n'a plus la même signification. Elle revêt davantage un côté pratique, presque banal, contrastant alors avec l'attente de leur clientèle. Car pour chacun d'entre nous, se rendre au restaurant ne relève pas du quotidien mais permet justement d'en sortir.

Comme tout profane, nous ne sommes pas toujours en mesure de distinguer ce qui relève d'un travail et d'une imagination de ce qui n'est que réchauffage de plats industriels. Cette pratique a pourtant tendance à s'amplifier, dévalorisant par la même occasion une profession qui a de tout temps fait la renommée de notre pays.

C'est pourquoi, face à ces dérives, il apparaît urgent de réagir. Réagir au profit du consommateur afin de lui offrir plus de transparence. Comme nous souhaitons connaître l'origine des produits que nous consommons, nous devons aussi pouvoir connaître la manière dont sont préparés les plats que nous dégustons.

Réagir ensuite en faveur des professionnels en instaurant un titre d'artisan restaurateur. Faisant écho à celui d'artisan boulanger, ce titre permettrait de clarifier les choses dans le secteur de la restauration. C'est déjà ce que revendiquaient les promoteurs du titre d'artisan boulanger. Les débats de l'époque faisaient apparaître les mêmes inquiétudes. Ils évoquaient le "détournement de l'appellation" ou les pratiques "susceptibles de porter à confusion" comme la vente de pain fabriqué à partir de pâtes d'origine industrielle. Il fallait "mieux identifier et mieux préserver la spécificité de la profession de boulanger". Les buts recherchés étaient donc les mêmes : protection du consommateur, sauvegarde et valorisation d'un savoir-faire.

Ces mesures ont d'ailleurs largement prouvé leur efficacité : nous savons tous aujourd'hui distinguer l'artisan boulanger des chaînes ou grandes surfaces qui recourent à des procédés de fabrication différents.

C'est pourquoi la création du titre d'artisan restaurateur que je propose est la mieux à même d'instaurer plus de clarté dans la restauration et de valoriser le professionnalisme de ceux qui transforment les produits et servent des plats cuisinés sur place. 

Gage de qualité pour tous les Français, cette dimension artisanale protège le savoir-faire des restaurateurs et le soumet à des exigences qui sont depuis longtemps les fondements de l'artisanat : la qualité de la production et la qualification de ses professionnels. Car préparer un plat de manière artisanale, ce n'est pas le réchauffer, le saupoudrer puis le servir. C'est au contraire démontrer la maîtrise de techniques culinaires bien spécifiques. Cette qualité doit enfin être reconnue à ceux qui chaque jour s'appliquent la même exigence dans leur activité.

Mais la création de ce seul titre d'artisan restaurateur ne suffirait pas à assurer une plus grande transparence au profit du consommateur ni à inciter certains établissements à faire évoluer leurs pratiques. Car si toute personne est libre de désirer ou non le titre d'artisan restaurateur, elle doit en revanche assurer la transparence de ses cartes. C'est pourquoi je souhaite instaurer une signalétique permettant de savoir si les plats proposés sont d'origine industrielle ou s'ils ont été préparés sur place. Cette revendication est d'ailleurs portée depuis longtemps par de nombreux professionnels. Chez les consommateurs, elle est même plébiscitée.

L'adoption de ces deux mesures peut enfin permettre une avancée significative dans le monde de la restauration. Contrairement à ce qu'ont pu m'opposer certains détracteurs, cette proposition que je fais n'interdit à personne de continuer son activité. Elle ne réclame ni ne poursuit la fermeture d'aucun établissement. Elle vise la simple transparence qui doit devenir la règle et non plus l'exception.

Une autre préoccupation sous-tend cette démarche. La restauration est depuis longtemps un pilier essentiel de notre économie touristique. Elle est un atout pour le tourisme qui lui-même est un atout face à la crise. La qualité de la cuisine française est reconnue par tous les touristes étrangers et constitue souvent l'une des raisons pour lesquelles ils choisissent de visiter notre pays. Il nous faut donc valoriser ce savoir-faire pour protéger notre gastronomie inscrite depuis 2010 au patrimoine mondial immatériel de l'humanité. Ne laissons pas le doute s'installer en la matière, quand d'autres pays préservent et mettent en valeur leurs propres spécificités.

Car aujourd'hui plus qu'hier, la concurrence entre destinations s'intensifie. Le tourisme est désormais considéré par de nombreux pays comme un enjeu économique majeur. Le danger pour la France serait de se reposer sur ses lauriers et d'ignorer cette nouvelle réalité de l'économie touristique. La première des priorités est donc de ne pas laisser dépérir les qualités et les charmes qui font de notre pays la première destination mondiale.

Loin d'être partisane, cette proposition peut au contraire rassembler les parlementaires de tous bords. Elle constitue à mon sens la réponse adaptée à un problème dénoncé depuis déjà trop longtemps.

 

La source ici

https://static.blog4ever.com/2012/01/636480/huffington.jpg

 



18/06/2013
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