L’état d’urgence dans la procédure pénale



https://static.blog4ever.com/2012/01/636480/l.gife projet de loi visant à lutter contre la criminalité organisée et à simplifier la procédure pénale contient des atteintes graves aux libertés, et contourne le juge au profit du préfet et du procureur.

 

On y trouve des mesures liberticides. L’Union syndicale des magistrats plutôt modérée, juge certaines dispositions du projet « scandaleuses et dignes d’un État policier. Ce n’est donc pas moi qui le dis.

 

Globalement, ce texte donnera plus de pouvoirs aux policiers et aux préfets au détriment des procureurs, et ces procureurs auront à prendre des décisions qui relevaient jusque-là de juges statutairement indépendants. Le terrorisme et le crime organisé ont bon dos. L’arsenal législatif déjà renforcé récemment à plusieurs reprises ne suffisait donc pas. Les exceptions et les dérogations au droit se multiplient dans ce projet, avec un risque d’arbitraire qui augmente dans le même temps. Le pouvoir ne avait pas apparemment comment sortir de l’état d’urgence, il invente l’état d’urgence permanent.

 

Parmi les mesures proposées, les perquisitions de nuit dans les locaux d’habitation en matière de terrorisme et de criminalité organisée (article 1er) seront favorisées. « Jusqu’ici, cela n’était possible que sur décision d’un juge d’instruction ou dans les enquêtes de flagrance (faites dans l’urgence), et à des conditions strictes. » 

 

De même, l’usage des valises dispositifs techniques qui aspirent à distance les contacts des téléphones portables sera étendu aux affaires de criminalité et de délinquance organisée (article 2) .

 

La marginalisation du juge d’instruction indépendant se poursuit quand le statut du parquet n’a pas été modifié. Le  Syndicat de la magistrature (SM, gauche) s’inquiète d’une « surveillance massive » des citoyens et des « pouvoirs exorbitants donnés aux préfets et au ministère de l’intérieur, avec des atteintes sévères aux libertés ».

 

Les pouvoirs des forces de l’ordre seront étendus en ce qui concerne les contrôles d’identité mais aussi les fouilles de bagages et de véhicules, sur simple autorisation du préfet aux abords d’installations sensibles (article 17).

 

Une mesure de retenue sera crée, d’une durée de 4 heures sans aucun droit ou presque, d’une personne « lorsqu’il y a des raisons sérieuses de penser que son comportement est lié à des activités à caractère terroriste », cela pour vérifier son identité et sa situation, et à la seule appréciation des forces de l’ordre (article 18). L’autorité judiciaire est ainsi écartée de sujets touchant aux libertés individuelles.

 

La légitime défense sera revue, et il deviendra possible de faire de son arme un usage « rendu absolument nécessaire pour mettre hors d’état de nuire une personne venant de commettre un ou plusieurs homicides volontaires et dont il existe des raisons séreuses et actuelles de penser qu’elle est susceptible de réitérer ces crimes dans un temps très voisin des premiers actes » (article 20). Plus flou et plus dangereux comme définition, il n’y a pas.

 

Le Syndicat des avocats de France (SAF) estime quant à lui que : « On est en train de brouiller le principe de la séparation des pouvoirs entre la justice et l’exécutif. Or la justice protège de l’arbitraire, notamment par l’exercice du contradictoire, qui donne des droits tant à la défense qu’aux victimes. « La France s’éloigne lentement d’un État de droit pour se rapprocher d’un État arbitraire ».

 

Hollande a affirmé que « Pour sortir de l’état d’urgence sans nous affaiblir, j’ai souhaité que de nouvelles mesures législatives soient adoptées. « La lutte contre ceux qui veulent attaquer nos libertés ne saurait justifier de les amoindrir ». Acceptons-en l’augure.

 

Le texte complet du projet de loi

 

Projet de procédure pénale

 

 

Pour les abonnés, l'intégralité de l'article à lire sur Médiapart... C'est ici

 

 

Et n'oublions jamais cette justification rencontrée à plusieurs reprises dans le projet: "Lorsqu'il y a de sérieuses raisons de penser que..." Avec ça, on ouvre toutes les portes!

 

 

Pour nourrir la réflexion...    Lire ici  Loi antiterroriste : «Un impressionnant renforcement du pouvoir exécutif»

 

                                           ici  Projet de réforme pénale : "L'Etat policier s'instaure de manière pérenne"

 

                                 encore ici  Projet de loi post-état d'urgence : "Tout le contraire de l'état de droit"

 

                                           ici  Etat d'urgence : « Je crains que nos libertés soient restreintes durablement », estime Jacques Toubon

 

 

Pour vous prouver qu'il y a lieu de s'inquiéter, cette info AFP du 08/01/2016:

"Nouveau projet de loi pénal: le gouvernement compte utiliser les ordonnances pour adopter une partie des mesures, annonce Matignon..." Qui a dit passage en force?

 


Mise à jour 10/01/2016

 

Perquise de nuit

 

Un projet de loi « longuement mûri par la chancellerie », nous dit un communiqué de presse de Matignon, doit consolider la place de l’autorité judiciaire dans la lutte contre le crime organisé et son financement. Mais comme ce projet vise également la lutte antiterroriste et donne de nouveaux moyens au préfet, il faut bien reconnaître que le message est un peu brouillé.

Quelle est la raison de cette nouvelle loi ? Simple ! Il s’agit de boucler la boucle : 1/ on donne « des moyens sans précédent » aux services chargés de lutter contre le terrorisme – 2/ On donne à la police judiciaire des pouvoirs équivalents - 3/ on pérennise les pouvoirs de police administrative de l’état d'urgence.

Pour faire un nœud à la boucle, et l'on n’en parle plus, je suggère de réactiver un ancien article du code de procédure pénale, l’article 30, qui donnait des pouvoirs de police judiciaire aux préfets.

Ces textes à répétition compliquent tellement la procédure pénale que plus personne n’y comprend rien.

C’est notamment le cas en matière de perquisition.

La maison est un asile inviolable – C’est du moins ce qu’affirme la Constitution de l’An VIII (1799). Cette protection du domicile a une norme de rang constitutionnel, et elle n’est pas dirigée contre les voleurs mais contre d’éventuels abus des policiers ou des gendarmes. Le fait pour une personne dépositaire de l’autorité publique de s’introduire ou de tenter de s’introduire dans le domicile d’autrui hors les cas prévus par la loi est un délit puni de deux ans d’emprisonnement (article 432-8 du code pénal).

Et comme le meilleur moyen de ne pas être hors la loi, c’est de changer la loi, en matière de perquisition les règles sont sans cesse en mouvement.

Les perquisitions de jour - C’est-à-dire entre 6 heures et 21 heures sont effectuées par des officiers de police judiciaire, soit dans le cadre d’une enquête de flagrance (un crime ou un délit commis récemment), soit sur commission rogatoire d’un juge d’instruction, soit, dans les autres cas, en enquête préliminaire.

La perquisition en enquête préliminaire se distingue des autres en ce sens qu’elle n’est pas « coercitive » et qu’elle peut être effectuée même si aucune infraction n’a encore été constatée. Sauf exception (rare et motivée) elle nécessite l’accord de la personne concernée (écrit de sa main).

La nuit, je ferme ma porte et je suis chez moi – La nuit, le principe, c’est que nul n’a le droit d’entrer chez vous ou chez moi. Sauf dans certains cas : personne en danger, incendie, inondation…

La police a fonctionné comme cela pendant des décennies, mais aujourd’hui les entorses à cette règle s’accumulent.

Depuis 1996, le juge d’instruction peut, s’il y a urgence, autoriser une perquisition de nuit. C’est également le cas pour le procureur de la République, depuis 2004, dans une enquête de flagrance, et seulement dans certains cas et avec l’accord du juge des libertés et de la détention (JLD).

En enquête préliminaire, la perquisition d’un domicile la nuit est impossible. Ce qui peut se comprendre : il paraît difficile de défoncer une porte pour ensuite demander l’autorisation d’entrer.

La nouvelle loi envisagerait de changer ça. Il y a déjà eu une tentative. C’était en 1996, et déjà pour lutter contre le terrorisme. À l’époque, il y a donc 20 ans, le Conseil constitutionnel avait été saisi par l’opposition - de gauche - suite au vote d'une loi qui prévoyait, entre autres, les perquisitions de nuit en enquête préliminaire. Le Conseil avait suivi : l’enquête préliminaire étant laissée à la discrétion du procureur de la République ou des officiers et agents de police judiciaire, les perquisitions de nuit dans un domicile effectuées dans ces conditions seraient « de nature à entraîner des atteintes excessives à la liberté individuelle ».

 

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07/01/2016
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