Le cri d'alarme de l'écrivain Makridakis


https://static.blog4ever.com/2012/01/636480/x_6657458.gifianis Makridakis est écrivain. Ayant un sentiment de profonde gratitude et de respect envers les citoyens français, il a voulu leurs adresser cette lettre, à travers Marianne2, pour les informer de ce que la Grèce vit réellement aujourd'hui. Son but, « éviter l'assaut des régimes totalitaires des marchés en Europe afin de pouvoir enfin créer une Union Européenne des citoyens et des personnes ».

 

Chers Français et concitoyens Européens, 

Je m'adresse à vous, pas seulement grâce à votre tradition démocratique et à vos combats pour les droits de l'homme, mais aussi parce que votre pays, et certains Français illuminés du passé, comme Octave Merlier en 1945, ainsi que beaucoup d'autres personnalités à la fois célèbres et anonymes se sont précipités pour soutenir et aider les citoyens grecs et les combattants de la résistance dans les moments historiques de la guerre civile (1946-1949) et de la dictature militaire en Grèce (1967-1973). 

Je vous adresse un cri d'angoisse et d'indignation à cause de ce qui se passe dans mon pays ces deux dernières années sous le prétexte d’une politique économique qui vise à échapper à la crise de la dette. 

Je m'adresse à vous en tant que dernier espoir en attendant d'activer vos sentiments démocratiques et humanitaires et de mobiliser votre réaction à travers des textes et des mouvements, afin de changer le parcours de l'Europe, qui, en commençant par la Grèce, se déplace tête baissée vers une gouvernance par des régimes totalitaires. 

En Grèce, chers Français et concitoyens européens, on estime que nous sommes déjà depuis longtemps sous un régime dictatorial. 

Les partis politiques et leurs représentants au Parlement, ont été élus en 2009, lorsque la situation politique en Grèce était complètement différente et rien ne préconisait ce que nous vivons aujourd'hui. Les partis politiques, les partis au pouvoir n'ont pas dit un mot aux citoyens sur la crise économique et la dette dans leurs programmes électoraux. En revanche, ils sont montés au gouvernement sous le slogan « De l’argent, il y en a ». 

Et après quelques mois, sans avoir eu l'approbation des citoyens grecs, les partis au pouvoir ont amené notre pays au Fonds Monétaire International (FMI) et sous la tutelle de la Troïka en signant le premier Mémorandum (protocole du plan d’austérité). 

Je ne vais pas vous ennuyer en vous présentant des circonstances, que vous connaissez déjà à travers les nombreuses références et reportages des médias. Je dirai seulement que l'échec du premier protocole d’austérité (Mémorandum 1) a conduit le pays dans une récession économique majeure et la société dans la pauvreté et la décadence. 

Suite à cette première déviation politique, puisque le protocole a été signé sans que le citoyen grec ait donné son accord, une deuxième, plus provocante,  a suivi. Le Premier Ministre grec George A. Papandreou, élu en 2009, a démissionné et Lucas Papademos, ancien banquier et membre de la Banque centrale européenne, a été nommé Premier Ministre à sa place. 

Un gouvernement non élu, sous la direction du Premier Ministre Lucas Papademos, a continué de poser des dilemmes de chantage aux citoyens grecs dans le but de signer un nouveau Mémorandum, qui rassure à jamais tous les prêteurs du pays, prévoit de céder une partie de la souveraineté nationale de la Grèce, appauvrit davantage les citoyens grecs, impose de vendre jusqu'à concurrence leurs ressources nationales en jetant le pays dans une récession encore plus profonde, avec toutes les conséquences que cela puisse apporter à la société désorganisée. 

En parallèle, ce gouvernement non élu a adopté une violence inouïe et illégitime contre des citoyens grecs, qui, parfois à travers des rassemblements, ont tenté de protester. 

En ayant tout signé à l'insu des citoyens grecs dans le Mémorandum 2, ce gouvernement non élu a accepté la condition de rassurer d’une manière constitutionnelle le remboursement de la dette. C'est-à-dire que ce gouvernement non élu a effectué le changement de la Constitution Grecque en faveur des prêteurs. 

Les élections en Grèce, si elles ont lieu un jour, n’auront plus de sens, puisque le gouvernement nommé actuel a signé des accords engageant les futurs gouvernements. Ils ont donc engagé les citoyens grecs et la société grecque pendant au moins huit ans, jusqu'en 2020, année où, selon le scénario le plus optimiste, la dette grecque sera à 120% du Produit Intérieur Brut (PIB), telle qu'elle était en 2009, lors des dernières élections. 


Chers Français et concitoyens Européens. 

Nous les Grecs, nous vivons sous le régime dictatorial des marchés, nous souffrons et le pire de tout ce que nous éprouvons n’est ni la pauvreté ni la misère, mais le désespoir car nous ne pouvons pas nous exprimer en tant qu'individus et en tant que citoyens. Nous sommes captifs de ceux qui ont régné pendant trente ans dans notre pays, qui ces deux dernières années, ont changé de masque, feignent d’être innocents, les réformateurs, signent tout contrat et mémorandum qui ne sert que les intérêts des prêteurs et battent impitoyablement chaque manifestant pacifique qui se sent étouffé par l'injustice accumulée, en employant la répression policière et ses armes chimiques. 

Chers Français et concitoyens Européens, je vous demande de pressentir notre avenir commun et celui de l'Europe. La Grèce n'est pas la victime. Elle est la première victime. C'est un cobaye. Si les objectifs sont atteints, ce qui n'est pas loin de la réalisation, la formule sera appliquée à d'autres pays, ayant comme conséquence la transformation de l’Europe des citoyens à l'Europe des gens économiquement et politiquement misérables. 

De la Grèce, berceau de la démocratie, de Chios, l'île où j’habite, qui se trouve à la frontière de l'Union européenne, en face de la côte Turque, j’émets un cri avec toute la force qui me reste et je demande votre aide parce que notre présent ici est privé de droit d'expression politique et notre avenir n'existe pas. 

Je vous remercie et je compte sur votre aide pour faire entendre notre voix et ensemble nous pouvons enfin nous battre pour une Europe à visage humain. 


Traduction du Grec: Lazaros MAVROMATIDIS
 

 

Retrouvez Yianis Makridakis sur son blog.


13/03/2012
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