GAZ DE SCHISTE : L’INDÉPENDANCE ÉNERGÉTIQUE, MAIS À QUEL PRIX ?


La présentation ce lundi 12 novembre par l’Agence internationale de l’énergie (AIE) de son rapport annuel sur les perspectives énergétiques mondiales a relancé les débats sur le gaz de schiste et l’indépendance énergétique que ce combustible pourrait amener en Occident. La question s’est ainsi portée sur les potentialités qu’il représente tant pour l’emploi que pour le coût de l’énergie et sur les perspectives d’extraction en Belgique. Tandis que certains insistent sur la plus-value que ce type d’énergie pourrait représenter sur le continent, d’autres minimisent son impact environnemental. Or, beaucoup de doutes demeurent sur les réelles potentialités positives de ce combustible.

De nombreux commentateurs insistent, à raison, sur la dépendance particulièrement importante de l’Europe sur le plan énergétique. En 2011, les 27 pays de l’UE ont consacré 3,9% de leur PIB aux importations énergétiques, soit l’équivalent de 17 millions d’emplois au coût moyen de 28.000€ par emploi [1] . En Wallonie, la production énergétique se caractérise par une dépendance quasi complète en matière de source d’approvisionnement : l’indépendance énergétique reste limitée à 3,1 % de la consommation intérieure brute en 2006 [2]. Au niveau sectoriel, 44% des consommations sont accaparées par l’industrie. La réduction de cette dépendance représenterait donc non seulement une obligation écologique mais également un formidable ballon d’oxygène pour l’économie de la région.

Il est cependant crucial de ne pas se tromper de cible : les techniques utilisées pour récupérer le gaz de schiste sont tout d’abord inquiétantes pour l’environnement. La fracturation hydraulique, qui consiste à faire exploser les roches situées à 4000 mètres de profondeur, pour en libérer et faire remonter le gaz comporte des risques particulièrement dommageables pour l’environnement. Les différents éléments chimiques utilisés tels que le méthane peuvent ainsi être rejetés tant sous terre, et donc vers les nappes phréatiques, que dans l’atmosphère, et contribuent donc à l’accélération des émissions de gaz à effet de serre [3] .

Ensuite, la forte densification de la population dans le pays et la situation problématique des nappes phréatiques posent questions quant aux effets qu’aurait cette extraction dans nos régions : les quantités faramineuses d’eau nécessaires à la fracturation, les pollutions, l’enchevêtrement des réseaux de pipelines souterrains et les risques d’explosion ont de quoi remettre en question cette « solution » énergétique.

Enfin, il est opportun de s’interroger sur le sens même du recours à un type de combustible représentant plus le passé que l’avenir. Le pétrole, le gaz et les autres ressources carbonifères sont, aujourd’hui, de plus en plus déconsidérées, au profit des énergies alternatives et renouvelables, représentant un nouveau potentiel industriel [4] . Il ne s’agit pas tant de se diriger vers l’autosuffisance, qui implique souvent une protection de la ressource ou d’un marché contre des concurrents, que vers l’autonomie, qui correspond à la capacité à se gérer et à s’organiser collectivement. L’énergie de demain devra être fondée sur des ressources partagées, tant au niveau local qu’au niveau global, à partir de potentialités de productions durables et renouvelables.

Parler, dès lors, du gaz de schiste comme un don de la nature dont il serait idiot de ne pas profiter est un non-sens et une aberration. Non-sens car le gain qu’il représente est de loin inférieur au coût qu’il occasionnera à l’ensemble de la société. Aberration car il n’est plus porteur aujourd’hui de s’orienter vers ce type d’énergie pour anticiper les crises climatiques à venir et pour engager la 3ème Révolution Industrielle. Il est temps maintenant de choisir l’avenir plutôt que de se conforter d’un modèle énergétique en voie d’être dépassé.

 

Jonathan Piron.


[1] Philippe Frémeaux, « Le défi énergétique », in Comment sauver l’industrie ?, op. cit., p. 33.

[2] ICEDD, Bilan énergétique de la Région wallonne 2006 - Bilan de l’industrie et bilan global, Namur, Ministère de la Région wallonne DGTRE, 7/2008 – V.2, p. 27.

[3] Le pouvoir de réchauffement du méthane étant 80 fois plus supérieur à celui du C02.

[4] Jeremy Rifkin, La troisième révolution industrielle. Comment le pouvoir latéral va transformer l’énergie, l’économie et le monde, Éditions Les Liens qui libèrent, 2012.

 

La source

 

 



28/04/2013
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