Enquête Insee : les riches, de plus en plus riches


27 | 05 | 2011

Publié par CFDT Finances | Classé dans : Fiscalité du patrimoinePublications CFDT

L’Insee a publié son enquête sur les revenus et le patrimoine des ménages français pour l’année 2007. On y découvre que les foyers très fortunés sont peu nombreux mais très riches et qu’entre 2004 et 2007, leurs revenus ont augmenté, en moyenne, plus rapidement que ceux de l’ensemble de la population. Les détenteurs des très hauts revenus sont plus âgés et plutôt concentrés en région parisienne que le reste de la population.

L’auteure de cette enquête, Julie Solard, établit d’abord la typologie des ménages en fonction de leurs revenus tels que déclarés aux impôts, puis analyse leurs sources de revenus.

Les très hauts revenus : des différences de plus en plus marquées entre 2004 et 2007 - Insee Julie Solard


10 % de riches, 1 % de très riches, 0,1 % de très très riches

Qu’est qu’un riche ? A partir de quel montant de revenus est-on fortuné ? En fait, il n’y a pas de seuil de richesse comme il y en a un pour la pauvreté.

L’auteure a donc pris les 10 % des foyers qui déclarent le plus de revenus (ensemble des revenus soumis à l’impôt sur le revenu). Il s’agit des ménages qui ont perçu, en 2007, plus de 35 667 € par unité de consommation, soit 53 501 € pour un couple sans enfant à charge, etc.

Mais parmi ces 10 % des ménages les mieux lotis, la disparité est grande entre la base et le sommet. 90 % d’entre eux, soit 9 % du total des ménages, ont un revenu annuel compris entre 35 667 € et 84 469 €. Julie Solard nomme cette tranche « les hauts revenus ». Si ces revenus sont confortables, on est encore loin de la richesse.

En réalité on peut qualifier de riches, « les très hauts revenus », ceux qui gagnent plus de 84 469 € (toujours par unité de consommation), soit seulement 1 % de la population.

Julie Solard divise ces 1 % de « très hauts revenus » entre « les aisés » (revenus compris entre 84 500 € et 225 767 €), « les très aisés » (revenus compris entre 225 767 € et 687 862 €) et les « plus aisés» (revenus au-delà de 687 862 €).

Cette analyse confirme que les hauts revenus sont concentrés sur 9 % de la population, les très hauts revenus sur 1 % dont les très très hauts revenus sur 0,01%.

Les unités de consommation

Pour comparer le niveau de vie des français, on ne peut s'en tenir à la consommation par personne. Les besoins d'un ménage ne s'accroissent pas en stricte proportion de sa taille. Lorsque plusieurs personnes vivent ensemble, il n'est pas nécessaire de multiplier tous les biens de consommation (en particulier, les biens de consommation durables, logement, voiture, appareils ménagers, etc.) par le nombre de personnes pour garder le même niveau de vie.

Aussi, pour comparer les niveaux de vie de ménages de taille ou de composition différente, l’Insee utilise une mesure du revenu corrigé par unité de consommation (UC) à l'aide d'une échelle d'équivalence :

  • 1 UC pour le premier adulte du ménage
  • 0,5 UC pour les autres personnes de 14 ans ou plus
  • 0,3 UC pour les enfants de moins de 14 ans.
  • Une personne vivant seule compte pour 1 UC, un couple sans enfant 1,5 UC, un ménage avec deux enfants de plus de 14 ans 2,5 UC, etc.

Les riches captent les 2/3 des revenus du patrimoine

L’enquête montre que les revenus d’activité professionnelle, (salaires, pensions, revenus des artisans, commerçants, professions libérales et agriculteurs) sont perçus par la quasi-totalité de la population contrairement aux revenus du patrimoine, aux revenus de la rente, et aux revenus exceptionnels.

Ainsi, seules 40 % des personnes sont concernées par des revenus du patrimoine (revenus du capital, actions, obligations, etc., et revenus fonciers, loyers, etc.) et 2 % par des revenus exceptionnels (plus-values, stock options, etc.).

Les 10 % des foyers les plus riches reçoivent un quart des revenus d’activité déclarés, près de deux tiers des revenus du patrimoine et plus de quatre cinquièmes des revenus exceptionnels.

Les très hauts revenus, 1 % de la population, ont un poids économique encore plus important. Le montant de leurs revenus d’activité correspond à 5,5 % du total, mais pour les revenus du patrimoine cette part passe à près d’un tiers (32,4 %) et atteint près de la moitié (48,2 %) pour les revenus exceptionnels déclarés.

Plus on monte dans la hiérarchie des revenus déclarés, plus la part des revenus du travail diminue au profit des revenus de la rente. A l’inverse, les 90 % de la population vivent essentiellement de revenus du travail, les autres revenus ne représentent en effet que 2,6 %.

Les 10 % des plus riches s’approprient les 2/3 des revenus du capital mobilier et immobilier. Ils ont donc de hauts revenus en plus de leurs revenus d’activité, mais aussi un patrimoine en conséquence.

Un quart des très hauts revenus sont des professions libérales

99 % de la population déclare des revenus d’activité (salariaux ou non salariaux) ou de remplacement (retraite, etc.) pour un montant moyen 38 000 euros. Ces revenus s’élèvent en moyenne à 178 000 euros pour les « aisés », à 430 000 euros pour les « très aisés » et à 1 480 000 euros pour les « plus aisés ».

Il y a une forte surreprésentation des indépendants dans les très hauts revenus : sur l’ensemble de la population, 5 % des personnes touchent des revenus industriels et commerciaux ; mais 13 % des «aisés », 16 % des « très aisés » et 23 % des « plus aisés » en touchent. De même, plus d’un quart des très hauts revenus perçoit des revenus non commerciaux (professions libérales, médecins, avocats, etc.), ce qui est presque dix fois plus fréquent que dans le reste de la population.

53 % des « plus aisés » perçoivent des pensions, retraites, rentes et revenus accessoires ; cela représente en moyenne, pour ceux qui en perçoivent, 49 000 euros par an. Ce montant, élevé dans l’absolu, est faible au regard des revenus des « plus aisés », ce qui est normal puisqu’il s’agit principalement de revenus de remplacement.

De même, les revenus agricoles, mineurs puisqu’ils ne concernent que 7 % des personnes les « plus aisées » et 4 % des autres personnes à très hauts revenus, ne sont pas des revenus d’activité à proprement parler pour la plupart de ces personnes, mais plutôt des revenus secondaires liés à l’entretien et à l’exploitation de terres en leur possession.

La perception de revenus du patrimoine est de plus en plus fréquente au fil de la hiérarchie des revenus. Au sein des très hauts revenus, 7 personnes sur 10 reçoivent des revenus fonciers.

Alors que les revenus du patrimoine du reste des très hauts revenus sont composés pour 40 % de foncier, ils ne représentent que 10 % des revenus du patrimoine des « plus aisés », les 90 % restants étant des revenus de valeurs mobilières.

En fait, parmi les plus riches, on retrouve des chefs d’entreprise et des cadres dirigeants qui doivent assurément posséder des actions de leur entreprise.

Il y a deux grands groupes parmi les 0,01 % des plus riches : ceux dont les revenus sont essentiellement des revenus d’activité (chefs d’entreprise, professions libérales) et ceux dont les revenus sont essentiellement des revenus du capital (les rentiers).

Le taux d’imposition des riches est de 20 % !

L’auteure de l’enquête a travaillé avec les données de l’administration fiscale notamment celles de l‘impôt sur le revenu. Elle s’étonne, qu’en moyenne, le taux d’imposition des personnes à très hauts revenus (1 % de la population), est de 20 %. Pour les plus riches (0,1 %), ce taux atteint en moyenne 25 %.

Le taux d’imposition (indiqué sur chaque avis d’imposition), c’est le rapport entre l’impôt à payer et les revenus déclarés (à ne pas confondre avec les taux d’imposition du barème).

Le taux de la dernière tranche à 40 % s’appliquait en 2007 aux revenus nets imposables supérieurs à 67 546 € pour 1 part. Dès lors que les hauts revenus dépassent largement ce montant, on pourrait s’attendre à que ce taux d’imposition tende à s’approcher des 40 %. Eh bien non !

Cela est dû aux nombreuses niches fiscales et, éventuellement, à l’impact du quotient familial pour ceux qui ont beaucoup d’enfants à charge. Comme le montre l’exemple de la déduction aux œuvres : un ménage de « très hauts revenus très aisés », s’il est (très) généreux, peut bénéficier d’un crédit d’impôt de 66,66 % sur les dons qu’il effectue dans la limite de 20 % des revenus imposables après abattements. Pour un don de 68 000 €, la réduction d’impôt est d’environ 45 300 €. Si, en plus, il perçoit des dividendes d’actions de sociétés françaises ou européennes, ces revenus ne seront imposables qu’à la hauteur de 60 % (abattement de 40 %).

Si il n’utilise aucune niche fiscale et que ses dividendes ne bénéficient pas de l’abattement de 40 %, son taux réel d’imposition sera de 34,15 %. Uniquement avec l’abattement de 40 % sur les dividendes, le taux tombe 26,30 %, et à 15,67 % avec en plus des dons aux œuvres.

Ces contribuables très aisés ont tout intérêt à profiter, en toute légalité, de tout ce qui peut diminuer leur impôt (emploi salarié à domicile, investissements divers, dons, etc.).

Rajoutons que ce couple sera vraisemblablement soumis à l’ISF et, peut-être, si il a un patrimoine immobilier important à usage personnel, bénéficiera-t-il du bouclier fiscal ?

Le nombre de personnes riches explose, leurs revenus aussi…

L’enquête de l’Insee révèle que le nombre de personnes riches est en forte augmentation. Entre 2004 et 2007, le nombre de personnes dépassant les 100 000 € constants de revenu par unité de consommation a crû de 28 %, et de 70 % pour les personnes au-dessus du seuil à 500 000 €.

En parallèle, depuis quelques années, les statistiques fiscales révèlent une augmentation forte du nombre de redevables à l'ISF. En 2007, 528 000 foyers sont redevables de l’ISF, contre 336 000 en 2004. Pourtant, le seuil de l’ISF est revalorisé chaque année pour tenir compte de l’érosion monétaire (754 000 € en 2004, 761 000 € en 2007).

Cette évolution du nombre de foyers possédant un patrimoine important correspond principalement à une valorisation des actifs immobiliers et mobiliers possédés. Ainsi, d’un côté, la valorisation forte des actifs sur la période 2004-2007 a fait augmenter le nombre de hauts patrimoines ; de l’autre, on observe une augmentation du nombre de riches en termes de revenus.

Alors que les revenus d’activité n’ont progressé que de 11 % entre 2004 et 2007, les revenus du patrimoine et les revenus exceptionnels ont connu des progressions beaucoup plus fortes (46 % pour les revenus du patrimoine, 55 % pour les revenus exceptionnels). L’évolution de ces deux types de revenus, majoritairement touchés par les personnes les plus aisées, et principalement tirés de la possession d’un patrimoine, contribue ainsi à une hausse des inégalités.

Sur la période 2004-2007, 67 % de la croissance des revenus déclarés profite au 90 % des foyers les moins riches. Les 10 %, le haut du panier, se partagent les 33 % restant. Parmi eux, les « très aisés » et les « plus aisés », 0,1 % de la population, profitent de 4,6 % de cette croissance.

Les riches doivent contribuer à hauteur de leurs moyens

L’enquête de l’Insee sur les revenus et le patrimoine des ménages français en 2007 confirme que la France est un pays où les riches sont de plus en plus riches et où la fiscalité les épargne en partie.

Sous le gouvernement Villepin, puis sous la présidence Sarkozy, tout a été fait pour réduire la ponction fiscale sur les riches : baisse de la dernière tranche de l’impôt sur le revenu de 50 % à 40 % sans remettre en cause les niches fiscales, création du bouclier fiscal et réduction des droits de succession.

Les 10 % des contribuables les plus fortunés, et a fortiori les 0,1 % les plus nantis, ne contribuent pas suffisamment. Quand Dominique de Villepin baisse la dernière tranche de 50 % à 40 %, c’est au motif que travailler la moitié de son temps pour l’Etat, c’est trop et c’est démotivant. L’enquête démontre tout le contraire : le taux d’imposition des très riches ne dépasse pas en moyenne les 25 % et surtout, une grande partie de leurs revenus sont ceux du capital, donc du travail des salariés et des cadres de ce pays.

Il en est de même du Président de la République actuel qui persiste à maintenir le bouclier fiscal et qui a réduit les droits de successions alors que la France se caractérise par une concentration de la richesse entre quelques mains.

Et que propose le gouvernement pour diminuer les déficits : une remise en cause de quelques niches, et surtout d’allocations bénéficiant au moins bien lotis.

Riches, dormez tranquille !

A qui profite le secret fiscal ?

La polémique sur la situation fiscale de Mme Bettencourt et les diverses supputations qu’elle entraine ravive l’éternel problème de la publicité de l’impôt.

Celle-ci est réglementée, en fait interdite. et celui qui divulguerait au public des informations sur un dossier fiscal autre que le sien s’exposerait à être lourdement sanctionné.

En matière de fiscalité, « l'obligation du secret professionnel s'appliquent à toutes les personnes appelées à l'occasion de leurs fonctions ou attributions à intervenir dans l'assiette, le contrôle, le recouvrement ou le contentieux des impôts, droits, taxes et redevances prévus au code général des impôts » (art. L 103 du LPF, Livre des procédures fiscales).

Ce secret s'étend à toutes les informations recueillies à l'occasion de ces opérations.

Le code pénal (art. 226-13 et 226-14) prévoit que « la révélation d'une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d'une fonction ou d'une mission temporaire, est punie d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende ». On peut penser que si cela concerne un fonctionnaire, il fera, en outre, l’objet rapidement de fortes sanctions disciplinaires.

Avis aux amateurs !

Toutefois, la loi a institué la tenue d’une liste des personnes assujetties à l'impôt sur le revenu, ou à l'impôt sur les sociétés. Cette liste est consultable à la direction des services fiscaux uniquement par les contribuables qui relèvent de sa compétence territoriale. L'administration peut même en prescrire l'affichage.

La liste concernant l'impôt sur le revenu est complétée, par l'indication du nombre de parts retenu pour l'application du quotient familial, du revenu imposable et du montant de l'impôt mis à la charge de chaque redevable. Aucun détail sur la nature des revenus ou sur l’utilisation des niches fiscales n’y est donc indiqué.

Mais la publicité en est strictement interdite. L’article L 111 du LPF prévient : « la publication ou la diffusion par tout autre moyen, soit des listes prévues ci-dessus, soit de toute indication se rapportant à ces listes et visant des personnes nommément désignées est interdite, sous peine d'amende ».

Alors que la majorité des salariés n’ont guère de choses à cacher, ce secret fiscal avantage avant tout les possédants. Pour vivre riche, vivons secrètement !

 

Article paru dans le bimensuel de la CFDT Finances Action Finances n°247 juin-aout 2010

 

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19/03/2012
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